Quʼest-ce que le Tchʼan ? 


Voici le mot chinois Il sʼécrit en transcription phonétique de plusieurs manières : Tchan, Chan, Chʼan, Tchʼan (nous avons choisi de le transcrire ainsi).On lit aussi tchʼan-na qui est la transcription phonétique du mot sanscrit dhyana. Retenez ce mot, car nous lʼutilisons parfois lorsque nous faisons une référence culturelle au berceau du Bouddhisme. 

Tcʼhan est traduit habituellement en français par “méditation”.Dʼaprès le récit traditionnel des origines de lʼécole de Tchʼan, le Bouddha avait un enseignement ésotérique, qui fut transmis indépendamment des textes écrits. Il transmit cet enseignement personnellement à un de se disciples, qui à son tour le communiqua à son propre disciple. Cet enseignement passa ainsi de génération en génération jusquʼà ce quʼil parvînt à Bodhidharma, dont on dit quʼil fut le trente huitième patriarche aux Indes. Celui-ci vint en Chine entre 520 et 526 et il y devint le premier tsou (patriarche, littéralement ancêtre) de lʼécole de Tchʼan.


Le But du Tchʼan:


Permettre à lʼêtre humain de sʼéveiller ("tseu jen"), afin quʼil se transforme par une volition libre et consciente en ce quʼil devrait être : un “tchen jen”, cʼest à dire un “humain véritable”


Quʼest-ce quʼun humain véritable ? 


Rien à proprement parler, nʼest indescriptible. Mais pour quʼune personne à qui une chose est écrite reconnaisse cette chose dans la description qui lui est faite, il faut nécessairement, quʼelle ait déjà quelque idée de ce que peut être la chose en question. 

Le meilleur exemple de la difficulté éprouvée par quelquʼun qui sʼentend décrire ce quʼil ne peut comprendre faute dʼexpérience personnelle, reste celui des couleurs décrite à un aveugle de naissance. Afin de vous amener à découvrir, progressivement, ce quʼest cet “humain véritable” qui sommeille en vous, nous dirons simplement, pour le moment, ceci :

Lʼêtre humain, tel quʼil se présente à quelques milliards dʼexemplaires sur la planète Terre, est une créature placée en porte-à-faux dans lʼexistence. Intellectuellement supérieur à tout autre être vivant, il nʼa pas la spontanéité de lʼanimal, ni son acceptation naturelle du destin. De plus, son adaptation au réel est insuffisante et il vit dans un monde subjectif, jouet dʼévénements bons ou mauvais, selon son optique. Les mauvais lʼemportent toujours sur les bons puisque toute vie se termine par la mort, considérée, du fait du conditionnement humain, comme lʼévénement mauvais par excellence.

Le but du Tchʼan est donc de former des humains véritables, libérés des conditionnements, et de faire disparaître la déformation qui empêche lʼhumain dʼêtre ce quʼil est vraiment.

Lʼhumain véritable apparaît lorsque le cherchant atteint lʼétat de conscience dit “tseu jen”. Cet état dʼêtre est en général le fruit dʼune autodiscipline à caractère psychologique, dont lʼexpression dʼorigine taoïste signifie : parfait détachement, ou encore : lâcher prise.

Les mots : bodhi (expression bouddhiste qui veut dire “éveil”), mosca, samadhi (en sanskrit), etc, sont des équivalents du “tseu jen”. Il en est de même de nirvana ou nibbana.Ces mots désignent tous un état de conscience et rien dʼautre - bien que certains imaginent encore que le nirvana soit un lieu ...

Comprenez par ces quelques phrases, quʼil faut dʼabord devenir tseu jen (éveillé) avant dʼêtre tchen jen (libéré). 


Les maîtres fondateurs du Tchʼan:


De par lʼorigine bouddhiste et taoïste du Tchʼan, les premiers ”maîtres” sont forcément, dʼune part Siddarta Gautama, dit “le Bouddha” (lʼéveillé) et dʼautre part les “Pères du Système Taoïste” : Lao Tseu,Tchouang Tseu, etc ...  

Depuis, bien dʼautres Grands Instructeurs, issus du seul Tchʼan, se manifestèrent... 
Notons, en passant que le mot “bouddha” bien que désignant un état de conscience, sert habituellement à désigner lʼinitiateur de ce mot : Siddarta Gautama, appelé pour cela même, «le» Bouddha ...Mais cela ne signifie pas, bien entendu, que “lʼétat de bouddha” soit quelque chose dʼ uniquement applicable à Siddarta Gautama ... 

On peut appliquer ce mot à toute personne éveillée, ayant atteint lʼultime libération où fusionne en un même état de conscience, la coexistence des temps. Cela signifie que lʼéveil nʼest lʼexclusivité ni du Tchʼan en particulier, ni de la culture asiatique en général. Il faut noter aussi que les grands éveillés nʼont jamais rien écrit et nʼont pas fondé de système religieux, ce qui ne fut pas le cas de leurs disciples. 


Tchʼan et religion:


De ce qui précède, nous retiendrons ceci :Lʼenseignement Tchʼan nʼa aucun rapport, proche ou lointain, avec une religion, quelle quʼelle soit. Le Tchʼan est une science de lʼhomme et une science ne saurait tenir compte dʼaucun à priori religieux.Le Bouddha, pour ne citer que lui est, à lʼheure actuelle, considéré par des millions dʼhumains comme un maître religieux, quoi quʼil ait pu dire de son vivant. 

Fidèles à la pensée du “Maître”, le Tchʼan tient Siddarta Gautama pour le créateur dʼun modèle totalement libérateur. A lʼégard des “Pères du Taoïsme” le Tchʼan a la même attitude : ce nʼest pas la faute de Lao-tseu si, au cours des siècles, certains ont cru lui donner plus de crédibilité en le transformant en une sorte de divinité.Ce que nous disons de Bouddha et de Lao Tsteu, vaut aussi pour Jeshua (Jésus), et de tout autre être éveillé qui a partagé notre réalité humaine. 

Découlant de ce que vous venez de lire, le Tchʼan sʼexprime dans une langue simple, accessible à tous. Sʼil nous arrive de citer des données historiques, mythiques ou théologiques, (et nous ne nous en privons pas), cela est uniquement comme référence culturelle ou pour des raisons pédagogiques.Parce que le Tchʼan ne se préoccupe pas de religion,et que nous le présentons comme un modèle libérateur, on compte parmi les cherchants sur la Voie du Tchʼan, des personnes de toutes les croyances et de toutes les religions, ainsi que des athées... 

Notre voie de libération ne tient compte que dʼexpériences personnelles que chacun peut faire sans recourir à une foi (domaine qui nʼest pas de notre compétence) qui nʼa que faire dans un contexte qui est et doit rester strictement privé et expérimental . Nous nous référons, en ceci, au Bouddha lui-même; Sois ton propre flambeau et ton propre refuge. Ne mets aucune tête au-dessus de la tienne. Nʼacceptes pour vrai que ce que tu as vérifié personnellement .


Tchʼan et dogmes:


Le Tchʼan ne fait pas partie de ces organisations humaines qui se tiennent pour supérieures parce quʼelles auraient reçu une “révélation”. Le concept de révélation nʼest pas dans le propos du Tchʼan, ce qui ne lʼentraîne absolument pas à nier ces révélations... 

Pour cette raison, il nʼa pas de dogmes.Par contre, le Tchʼan établit des théories, des hypothèses de travail...Cʼest en cela quʼil diffère du bouddhisme et du taoïsme classiques. Ceux-ci proposent de nombreux et divers moyens pratiques dʼaffranchir lʼhumain sans tenir compte dʼune cosmologie quelconque. 

Le Tchʼan (précisons ; le Xi-Tchʼan) opère dans deux directions à la fois: 

Un seul et même “tchʼaniste” non libéré se comporte à la manière dʼune double équipe de terrassiers perçant un tunnel. 

  • Dʼune part, il sʼadonne à une pratique libératrice (exercice Tchʼan de la voie directe dont nous reparlerons très bientôt).
  • Dʼautre part, il sʼappuie sur une hypothèse cosmologique (quʼil est prêt, du reste, à rejeter à tout instant si elle parait menacer sa propre libération). 
Il va ainsi, de lʼindividuel au cosmique, de lʼuniversel à lʼhumain, sans dissimuler, évidemment, les inévitables interférences de chaque attitude sur lʼautre.

Et si certains - estampillés bouddhistes ou taoïstes - considèrent le Xi Tchʼan que nous présentons comme une hérésie, rappelons que le bouddhisme et le taoïsme orthodoxes, ne sont nullement dogmatiques. Tous deux disent : “si la doctrine te gène, rejette la doctrine... 



Tchʼan et gourous:

Il va de soi que le Tchʼan rejette le concept «du gourou» ou «maître» dont la parole ferait loi. Pour le Tchʼan, tout être humain est lʼégal de tout autre. Un éveillé ne cherche pas à se particulariser et ne se tient nullement pour supérieur à lʼhumain ordinaire. Il nʼest ni dans la démonstration ni dans le prosélytisme, ni dans lʼexclusion.

Le fait quʼil ait rejeté ce qui enchaîne encore son voisin, nʼest pas une supériorité en soi. Cʼest un acquis, le résultat dʼune découverte qui est à la portée de toute femme et de tout homme de bonne volonté. De même, la souffrance ressentie par lʼhumain “ordinaire” nʼest pas une infériorité : cʼest un malheur ... 



Les “grandes voies":


Avant de vous engager plus avant dans lʼenseignement que nous vous proposons, vous devez bien connaître les éléments qui suivent.Il existe deux grandes traditions, deux “grands voies” concernant la recherche de «ce qui, en lʼhomme, est plus que lʼhomme» ...

Nous les nommerons, par commodité, voie rationnelle et voie évolutive ou intuitive.

  • La voie rationnelle est strictement psychologique, bien que “non intellectuelle” au sens occidental du terme. Son but est lʼatteinte du degré de conscience dʼoù lʼon percevra le fait que rien ne sépare “lʼindividu” de ce qui anime le monde “extérieur”, que ce qui anime le cosmos et ce qui fonde lʼIndividu, sont une seule et même entité. En un mot, cʼest la recherche de lʼéveil et la libération sans étape intermédiaire entre lʼindividu conditionné et le libéré quʼil sera. Au-delà, un seul but ultérieur subsiste : celui dʼaider autrui à se libérer à son tour, mais sans prosélytisme
  • Lʼhomme de la voie évolutive estime, lui, que lʼéveil, la libération, constitue le sommet, le couronnement dʼune progression constante, marquée par des étapes intermédiaires dont chacune apporte à lʼadepte au moins certains éléments de facultés supra-normales de plus en plus prestigieuses, correspondant au développement spirituel de la personne intéressée.



 Le récit traditionnel des origines du tchʼan:

http://www.xi-tchan.fr/p/entete.html/Bodhidharma

Bodhidharma transmit lʼenseignement ésotérique à Houeikʼo (486-593), qui fut le second patriarche de Chine. La doctrine se trouva ainsi perpétuée jusquʼà ce quʼune scission importante survînt entre les principaux disciples du cinquième patriarche, Hongjen (605-675).Lʼun dʼeux, Chensieou (mort en 706) devint le fondateur de lʼécole du nord.

Lʼautre, Houeineng (638-713) fonda lʼécole du Sud. Lʼécole du Sud supplanta bientôt celle du Nord en popularité, de sorte que Houeineng fut finalement reconnu comme le sixième patriarche et le vrai successeur de Hongjen.Tous les groupes influents postérieurs du Tchʼan remontent aux disciples de Houeineng. 
On a beaucoup discuté jusquʼà quel point on pouvait ajouter foi à la première partie de ce récit traditionnel : car elle nʼest appuyée par aucun document antérieur au XIème siècle. 

Nous ne nous proposons pas de faire ici un examen savant du problème. Quʼil suffise de dire quʼaucun spécialiste dʼaujourdʼhui ne prend très au sérieux ce récit.En effet, les fondements théoriques du Tchʼan furent posés en Chine par des hommes tels que Sengtchao et Taocheng. 

Ces fondements établis, lʼapparition du Tchʼan était à peu près inévitable, indépendamment de son fondateur le quasi légendaire Bodhidharma.Pourtant la scission provoquée dans lʼécole de Tchʼan par Chensieou et Houeineng est un fait historique. Le désaccord entre les deux fondateurs de lʼécole du Nord et de lʼécole du Sud procède de la divergence de vues entre le singtsong (école de lʼEsprit universel) et le kʼongtsong (école du Vide).
 
On peut le constater dans lʼautobiographie de Houeineng.Nous y apprenons que Houeineng, originaire de la province actuelle du Kouangtong, étudia le bouddhisme sous Hongjen. Le récit raconte ensuite quʼun jour, Hongjen, comprenant que son temps touchait à sa fin, convoqua trois de ses disciples et leur dit quʼil fallait maintenant lui désigner un successeur ; ce successeur serait le disciple qui pourrait écrire le meilleur poème résumant lʼenseignement du Tchʼan. 

Hongjen, dit-on, approuva le poème de Houeineng et nomma celui-ci son successeur et sixième patriarche.Le poème de Chensieou met lʼaccent sur lʼEsprit universel ou sur la nature de Bouddha dont parlait Taocheng, tandis que celui de Houeineng souligne le wou (non-être) de Sengtchao. Deux formules reviennent souvent dans le tchʼan.Lʼune est : « Lʼesprit lui-même est le Bouddha ».Lʼautre : « non-esprit, non-Bouddha. ».Le poème de Chensieou répond à la première formule, celui de Houeineng, à la deuxième.La règle des maîtres de Tchʼan était de nʼinstruire leurs disciples que par contact personnel. Mais, pour ceux qui nʼavaient pas lʼoccasion dʼun tel contact, on recueillit par écrit les paroles des maîtres. Ces recueils sont connus sous le nom de yulou (recueils de conversations). Cet usage fut repris plus tard par les néo-confucianistes.

Dans ces recueils, on lit souvent que, quand un disciple se risquait à poser une question sur un des principes fondamentaux du bouddhisme, son maître de Tchʼan lui faisait une réponse qui nʼavait absolument rien à faire avec le sujet. Le maître lui disait par exemple que le prix dʼun certain légume était alors de trois centimes.Ces réponses semblent paradoxales à quiconque nʼest pas familiarisé avec le but du Tchʼan. Ce but était simplement de faire comprendre au disciple quʼil nʼexistait pas de réponse à sa question.Cela compris, il avait déjà beaucoup compris.Certains maîtres Tchʼan utilisaient le silence pour exprimer lʼidée de wou (vide). 

Par exemple, un jour Houeitchong (mort en 775) allait entamer une discussion avec un autre moine; il monta dans sa chaire et garda le silence. Alors lʼautre moine lui dit : « Veuillez proposer votre thèse, afin que je puisse la discuter. »Houeitchong répondit : « Jʼai déjà proposé ma thèse. »Le moine demanda : « Quelle est-elle ? »Houeitchong dit : « Je sais quʼelle est au-delà de votre intelligence», et, sur ces mots, il quitta la chaire.La thèse proposée par Houeitchong était celle du silence. Puisque le Premier principe ou wou nʼest pas une chose sur laquelle on puisse dire quoi que ce soit, la meilleure manière de lʼexposer est de rester silencieux. 

De ce point de vue, les Ecritures (ou sûtras en sanskrit) nʼont aucun rapport réel avec le Premier principe. Cʼest pourquoi le maître de Tchʼan Yihiuan (mort en 866), fondateur dʼun groupe Tchʼan connu sous le nom de lʼécole de Lintsi, dit : « Si vous voulez avoir la vraie intelligence, vous ne devez pas vous laisser tromper par dʼautres. Vous devez tuer tout ce que vous rencontrez intérieurement ou extérieurement. Si vous rencontrez le Bouddha, tuez le Bouddha. Si vous rencontrez les patriarches, tuez les patriarches... Alors vous pourrez obtenir lʼémancipation »  



 Le Tchʼan de lʼOuest (Xi Tch'an):


La première manifestation de lʼécole de lʼOuest (Xi Tchʼan en tant qu'école indépendante) remonterait au IXème siècle. D'après la tradition, un groupe de "tchanistes" venus du sud et lassés des guerres perpétuelles dévastant cette région du Zhong Guo (la Chine proprement dite) vint s'établir dans le secteur qui devait devenir plus tard "l'ultime frontière" (Sin-Kiang) - actuellement: Région Autonome Ouigoure

Notre enseignement issu de cette branche du Tchʼan, nous a été transmis par le Centre Tchan de Limoges et ADCE. A la question de connaître la liaison directe et écrite existant entre le premier groupe du IXéme siècle, Centre de Limoges, ADCE et nous-mêmes, nous appliquons la règle des Hao Jen : ne pas sʼengager dans des discussions sans intérêt.

Et voici pourquoi : en cette période du bouleversement des temps, la pratique du Xi Tchʼan est urgente. Le mouvement vital est de plus en plus arrêté par la mémoire morte de lʼécrit ... Retrouvons par la pratique (qui nʼexclut pas la réflexion) la libre circulation des souffles (Qi).